Et si on parlait psychologie?
La parentalité est un domaine très vaste, nous en avons d'ailleurs déjà abordé quelques thématiques ensemble. Alors oui, la grossesse est un moment de métamorphose physique, la naissance un sprint et le quotidien avec un enfant un marathon. Ces étapes sont la partie visible de l'iceberg. Et si on parlait de ce qui ne se voit pas? Parlons de ce qui se passe dans nos petites têtes, à nous parents. Car oui, un enfant change la vie, mais pas que! Notre cerveau aussi est bouleversé, remanié! Et je ne parle pas du mal de tête suite à des nuits trop courtes...
Revenons ensemble sur ces métamorphoses qui nous font devenir parent!
1. Etape un: Désirer un enfant ou comment se tourner vers l'autre
Nous avons vu dans un article précédent ce que nous pouvons mettre en place pour exaucer ce désir d'enfant, mais nous n'avons pas abordé l'aspect psychologique de cette démarche qui influence pourtant la suite de l'aventure.
Aujourd'hui le désir d'enfant semble être consciemment réfléchi. On programme, on calcule, on prévoit. Ce désir est façonné par nos codes socio-culturels et notre histoire de vie. En vérité, ce désir répond de l'inconscient. Désirer avoir un enfant, est un désir qui vient de soi mais qui est tourné vers l'autre. Ce désir généreux est à différencier du désir de grossesse. Ce dernier souhaite combler le souhait de changement d'identité, d'affirmer sa féminité. Passer du statut de jeune-femme à femme qui porte la vie. Le désir de grossesse est un peu la promotion inespérée: il vous assure un coupe file idéal aux heures de pointes et la certitude d'avoir une place libre dans le bus. Le désir d'enfant et le désir de grossesse peuvent ne pas être liés.
Pour l'homme, ce désir d'enfant fait aussi référence à la transmission du nom. Bien qu'aujourd'hui la législation permet de donner les deux noms (celui de la mère et celui du père), cette transmission n'en reste pas moins importante. Cette transmission lui donne une responsabilité, son travail psychique pour passer d'homme à père commence.
Le désir d'enfant bouleverse déjà les habitudes du cerveau. Il nous rend avide d'accueillir, de créer de l'espace dans son corps et dans son quotidien. Cette transition est soumise à trois composantes: un besoin de réparation (réparer ses propres conflits datant de son enfance), la réactivation du complexe d'Oedipe (après avoir voulu tuer son père/mère, j'ai trouvé la personne qui me convient et je souhaite fonder une famille à mon tour comme l'ont fait mes propres parents), retrouver un narcissisme infantile.
2. Etape 2: la grossesse, 9 mois pour tout changer
Pour la femme enceinte, la grossesse est une réadaptation physique mais aussi psychologique. Pour l'homme, elle est une épreuve d'acceptation de l'autre. Nous allons voir ensemble l'étendue des remaniements qu'ils subissent. J'ai volontairement accès cette recherche pour un couple dont le bébé est désiré. En effet les bouleversements psychiques dépendent du contexte de cette grossesse. Les étapes qui suivent vont permettre l'intégration de ce nouveau rôle de parent qui s'annonce et la création du lien parent-enfant si nécessaire au développement de ce dernier.
2.1 Le premier trimestre
Au tout début de la grossesse, il peut y avoir une confrontation entre le désir de grossesse évoqué plus tôt et le fait de réaliser cette envie. Si cette grossesse est désirée, alors la future mère a des pensées syncrétiques ("tout est devenu flou..."), elle est dans l'attente que son corps change. C'est le début de la transparence psychique, décrite par M.Bydlowski (psychalaniste), comme un temps où la future mère est particulièrement sensible à son environnement, elle surinvestie son histoire personnelle et ses conflits d'enfance. C'est aussi le début de la préoccupation maternelle primaire définit par D.W.Winnicott (pédiatre et psychanalyste). Cette préoccupation lui permet d'être connectée avec son bébé. Les futurs parents peuvent commencer à créer un lien avec leur enfant, à l'imaginer.
Pour aller plus loin sur ces deux thématiques, je vous conseil de lire cet article publié sur le CAIRN.
Désirée ou non, une grossesse entraîne des modifications physiques et un inconfort. Il est important que ces ressentis soient pris en considération afin qu'ils n’interfèrent pas dans la création du lien mère-enfant.
2.2 Le deuxième trimestre
Le deuxième trimestre est une période d'épanouissement narcissique. Le bébé bouge, les métamorphoses physiques commencent à se voir. C'est l'heure du changement du statut social, elle devient femme-mère.
C'est aussi le temps des premières représentations mentales du bébé, les parents rêvent de leur bébé imaginaire.
2.3 Le troisième trimestre
La fin de la grossesse s'annonce et avec elle la prise de conscience de l'individualisation du fœtus dans son corps. Apparaît la notion d'anticipation. La future mère pense et rêve (cauchemars) à tout ce qui pourrait se passer à la naissance, la peur de perdre son enfant, la peur de l'accouchement... Cette anticipation lui permet d'anticiper ces événements et d'envisager des solutions/conduites à tenir afin de ne pas rester figée ou stupéfaite.
Bien qu'invisibles à premières vue, ces remaniements se manifestent par des maux variés tout au long de la grossesse: mal de dos, nausées, vomissements, fatigue... Tout est donc lié. Une prise de conscience de la société quand à la difficulté de ces remaniements pourrait peut-être permettre aux femmes de mieux vivre cette grossesse, de mieux vivre cette matrescance (et patrescance! Déjà que le mot paternage d'existe pas officiellement...).
3. Etape 3: la naissance
L'exploit de l'accouchement passé, vient le temps de la rencontre. La mère et le père font alors le deuil du bébé imaginaire dont ils rêvaient.
La préoccupation maternelle primaire de Winnicott se poursuit, donnant à la mère la faculté d'identifier les besoins de son bébé et de réagir en conséquence. Des études montrent que le doux mélange d'hormones présentes à la naissance modifie la structure cérébrale de la mère. Elle est plus attentive (et se réveil au premiers bruits de bébé).
4. Focus sur le père
Devenir père n'a rien de simple non plus. Bien qu'il n'ai pas de manifestations physiques (quoi que) de cet enfant à venir, il est bouleversé par ces multiples changements. Il doit imaginer, réaliser, se projeter et cela sans ressentir cette vie dans sa chaire.
D.W.Winnicott parlait de la place de soutien du père. Ce dernier doit assurer la sécurité et la protection de sa femme et de son futur enfant. C'est cette sécurité qui permet à la mère d'être dans une préoccupation maternelle primaire. Elle peut se concentrer, se connecter à son bébé tout en sachant que son compagnon veille sur elle. Ce cocon facilitera ensuite la création des liens parents-enfants. Qu'elle responsabilité!
Tout comme la mère, le futur père peut toutefois rencontrer des difficultés, ces remaniements ne se font pas en un jour et sont influencés par son propre vécu familial. Il peut alors mettre en place des mécanismes de défense pour survivre à ces bouleversements.
Il peut être fuyant: en effet il peut ne pas comprendre les modifications psychiques et physiques de sa compagne. Il ne l'a reconnaît plus et peut se sentir rejeté voir exclu de cette relation mère-bébé.
Sentiment de jalousie envers ce bébé: la venue d'un enfant vient réactiver des réactions infantiles. Si autrefois il a dû partager sa mère avec son petit frère ou sa petite sœur, c'est aujourd'hui sa compagne qu'il doit partager. Ce bon vieux Oedipe encore et toujours!
Il peut également vivre une paternité blanche. N'acceptant pas son prochain changement de statut, d'habitudes de vie, il admet avoir oublié pendant la grossesse qu'il allait être père. Ce père vit alors une confrontation brutale à la naissance. Il n'a pas eu le temps d'intégrer, de remanier son cerveau à l'arrivée de son enfant.
A l'inverse un surinvestissement de la grossesse peut conduire à une sorte d'assimilation de la fonction d'être père qui se manifeste par la couvade psychosomatique. A l'instar de la femme enceinte, il présente certains maux tels que les nausées, les vomissements, le ventre qui s'arrondit. Ce phénomène est bien la preuve que les maux de la grossesse sont intrinsèquement liés à la construction psychique du futur parent. Une manifestation de ce qui se passe dans nos têtes et qu'il serait bon d'accompagner.
Conclusion
Après la naissance, l'état de "devenir parent" se développe grâce à la construction du lien parent/enfant. Car non, ce lien n'est pas inné, nous n'aimons pas notre enfant dès lors qu'il sort de notre ventre. Ce lien se construit. Il germe dès le temps du désir d'enfant pour se construire pendant la grossesse avant de se renforcer au quotidien après la naissance. Ce lien est en perpétuel construction. Nous en parlerons dans un prochain article.
Nous venons de voir la multitude des remaniements psychiques mis en place dans cette période du désir d'enfant jusqu'à la naissance. Les changements hormonaux et l'inconscient façonné par nos histoires de vie modèlent notre cerveau pour nous rendre attentif, altruiste et bienveillant envers cet enfant. Et ça tombe bien car ce petit a besoin d'une seule chose: des parents aimants et soucieux de son bien être. La nature est bien faite!
Tout parent souhaite être bienveillant envers son enfant. Et cela commence par prendre conscience de ces bouleversements pour nous permettre d'être bienveillant envers nous même. Malgré la mise en place des 1000 premiers jours par l'Etat pour favoriser la mise en place d'un environnement sécure pour l'enfant, les parents sont à mon sens trop peu écoutés et accompagnés. Nous avons nous même ressentis cette solitude et cette impression d'être démunis. C'est pourquoi j'ai choisi de me former à l'école du bien naître. J'ai l'envie de pouvoir vous proposer un accompagnement bienveillant, un lieu d'écoute et de partage pour s'accompagner tous ensemble vers une parentalité choisie et respectueuse des besoins de l'enfant. Je vous parle très bientôt de ce projet! A très vite!
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